Il existe une manière Masculine et Féminine d’appréhender la littérature.
Les hommes et les femmes ont, de manière générale, des goûts littéraires différents, comme ils ont des goûts cinématographiques différents… Ils n’apprécient pas les mêmes genres d’histoires, ni les mêmes manières de les raconter.
Beaucoup d’hommes, par exemple, s’extasieront bien plus sur la biographique d’un Mike Tyson, que sur « Rebecca » de Daphné Du Maurier – bien que ce dernier livre soit très bien écrit. Ils sont plus férus d’histoires réalistes et stimulantes, avec de l’action, des luttes pour la réussite (le « struggle for life »), etc. Ils sont aussi plus attirés par la littérature d’idée – les essais, les guides pratiques, ce genre de choses – et moins par les œuvres de fiction, comparés aux femmes.
Un homme voit également la lecture comme un moyen d’apprentissage plutôt qu’un loisir. Il va lire principalement pour obtenir des informations dont il a besoin, et quand il en a besoin. C’est le contraire des femmes qui, elles, lisent davantage par pur plaisir, et qui de ce fait lisent (beaucoup) plus. C’est pourquoi, avons-le nous messieurs, les femmes sont globalement meilleures en orthographe, en rédaction, et ont un vocabulaire plus riche – elles lisent plus.
Je précise bien qu’il s’agit d’une analyse générale. Aucun individu, qu’il soit homme ou femme, n’appartient tout à fait à mes descriptions. Seulement, si vous prenez un échantillon représentatif – dix mille hommes et femmes par exemple – vous aurez une majorité d’hommes appréciant ceci, et de femmes préférant cela.
Une autre différence significative : les hommes sont (très) peu attirés par les belles descriptions riches . Les phrases comme : « Sous la clarté aveuglante de la brume épaisse, je ne distinguai que les herbes cabrées dans la rosée du matin sous mes pieds… », très peu pour eux, merci ! Faites-en trois de suite comme celle-là, ils referment le bouquin illico pour aller faire la sieste.
Les femmes, à l’inverse, adorent les descriptions ; parfois plus que la qualité des histoires elle-même. Il existe une kyrielle de romans d’à l’eau-de-rose ou érotiques, avec des histoires on-ne-peut-plus clichées, qui arrivent à enjôler bon nombre de lectrices à la manière dont ils ont été écrits.
Les femmes aiment être plongées dans un univers sensoriel imaginaire.
– « Regardez le DVD de « Laisse tes mains sur mon manche » ? Non merci ! Vas plutôt me chercher « 50 nuances de Grey » sur l’étagère. »
Les histoires qui avancement len…te…ment…, avec des descriptions qui n’en finissent plus, et des dialogues longs où l’on parle sentiment, c’est plutôt un truc de filles. Ce n’est pas qu’un lieu-commun (y’a pas de fumée sans feu comme on dit). Bien sûr, je précise ENCORE qu’il est tout à fait possible qu’un homme ait un penchant pour les descriptions très riches, les histoires d’amour clichées, et « 50 nuances de Grey » plutôt que « Laisse tes mains sur mon manche », et vice versa.
Il faut voir ces différences de goûts comme ayant leur nature propre :
- Un goût « féminin », qui peut tout à fait être celui d’un individu masculin.
- Un goût « masculin », qui peut être celui d’une femme.
L’influence dans le style
Nos goûts ont une influence certaine sur notre style d’écriture. Si vous aimez des caractéristiques particulières dans ce que vous lisez, il y a de fortes chances pour que vous les imitiez, consciemment ou pas. Par exemple, j’aime lire des bons bouquins/articles qui :
- Changent sa manière de penser/son état d’esprit ;
- Donnent des conseils pratiques, des analyses intéressante ;
- Inspirent, et donnent une forte envie de passer à l’action ;
- Divertissent, avec une touche d’humour ;
Et, dans beaucoup de mes articles, j’essaie naturellement de reproduire ces caractéristiques, avec plus ou moins de réussite.
Si vous écrivez, vous pouvez tirer de bons enseignements à partir la tendance (féminine ou masculine) que vous avez. Stephen King dit dans Écriture qu’un écrivain doit connaître ses limites – ce qu’il est ou n’est pas capable de faire. A mon avis, un écrivain doit AUSSI connaître ses défauts ; soit pour les travailler et progresser, soit pour choisir un genre qui lui convient le mieux.
Si vos goûts sont plutôt masculins, il est probable que votre difficulté principale est de faire des descriptions sensorielles. Déjà, savoir créer un univers sensoriel est très dur. Mais en plus, les hommes (et les quelques femmes avec des goûts masculins) ont tendance à faire des descriptions trop légères – parce que trop terre-à-terre et focalisés sur les faits. Et quand ils se « forcent », ils les font souvent de façon assez maladroite.
Si vos goûts sont plutôt féminins, c’est tout le contraire. Vous êtes certainement beaucoup plus doué(e)s pour cela. Votre défaut, c’est peut-être d’en faire trop ; de vous perdre dans les détails, parce que vous y accordez beaucoup d’importance. Pour la fiction, cela donne des histoires difficiles à suivre pour vos lecteurs, et difficiles à terminées pour vous qui les écrivez. Tandis qu’une personne qui n’a pas ce défaut pourra faire un premier jet rapide, puis étoffer les détails dans un second temps, vous risquez de mettre BEAUCOUP plus de temps pour faire le premier jet. Et plus on met de temps, plus on a de chance de perdre soi-même le fil, et laisser tomber son projet en cours de route.
Votre plus grosse difficulté consistera peut-être à refréner vos envies de TROP décrire, de donner mille et un détails dans chaque scène – dont la plupart sont oiseux. Beaucoup d’auteure, amatrices, ont une prose trop verbeuse.
S’accomplir ou se spécialiser
J’entre plutôt bien dans la catégorie « masculine » que j’ai décrite. C’est-à-dire que je n’ai aucun problème pour expliquer des idées, des concepts, ou argumenter un avis, tant qu’il ne s’agit pas de faire de descriptions particulières. Un article comme celui-là, je peux le rédiger en une demi-heure sans bloquer sur la moindre phrase.
Mais quand il s’agit de décrire des ressentis, des détails visuels, olfactifs ou auditifs… Pfou, ça devient une autre affaire !
J’ai récemment commencé à écrire des nouvelles. Pour m’exercer et, pourquoi pas, en auto-publier certaines sur Kindle. Et, bon sang, quelle galère j’ai pour les écrire.
Je pousse la porte de l’estaminet. Je sens un filet d’air chaud caresser la peau de mon visage froidie par l’hiver. La faible réverbération de l’ampoule me laisse à peine distinguer le mur à l’autre extrémité de la pièce qui, pourtant, ne se situe qu’à quelques mètres.
Une atmosphère mélancolique émane de l’endroit. Mais la température ambiante, qui contraste avec celle du dehors, m’encourage à rester. Je dépose mon manteau et mon écharpe sur le dossier d’une chaise, puis je commande un café. Un café qu’on me sert brûlant, à en voir la fumée qui s’y échappe et s’évapore dans l’air.
Cet extrait, ce sont les ~ 100 premiers mots d’une petite histoire que j’ai écrite. Je pense que ce n’est pas trop mal (difficile d’être objectif sur ce qu’on écrit…). Toutefois, il m’a fallu presque une demi-heure rien que pour rédiger ce passage. Passage de cent mots… C’est à peu près le temps qu’il me faudrait pour écrire environ 1000 mots, soit presque deux tiers de la première mouture d’un article comme celui-ci (il fait 1600 mots). C’est dix fois plus lent.
Sans doute le manque d’exercice n’aide pas. Mais il est clair que faire les descriptions n’est pas mon fort non plus. Pas encore… J’ai connaissance de cette lacune.
Quand on est comme moi, on peut prendre deux décisions :
- Celle de progresser, en travaillant cette lacune ;
- Ou celle de se dire « je ne suis pas doué pour ça », et se spécialiser – dans un genre qui ne demande pas à s’adonner à cet exercice.
Dans le premier cas, le meilleur moyen est de prendre contact avec sa partie « féminine ». C’est comme le Yin et le Yang, on a tous une partie masculin/féminin en nous. Il suffit de la faire ressortir, en essayant d’affiner nos goûts, féminins dans mon cas. S’intéresser davantage à la fiction, aux descriptions sensorielles, prendre plaisir à inventer des détails quand l’on rédige, etc. Avec de la pratique en plus, cela permet de développer cette partie et de devenir plus complet.
On peut sinon, dans le second cas, laisser tomber et on se concentrer sur ce pour quoi est doué ; la « non-fiction » : écrire des articles de blogs, des essais, des guides pratiques, ce genre de choses.
Dans l’autre sens, aussi, quelqu’un avec des goûts féminins gagne à développer sa partie masculine, pour devenir éclectique.
Je constate que les femmes, en général, s’en sortent bien dans n’importe quel genre. Elles peuvent écrire à la fois des romans de fiction, des enquêtes littéraires, des articles de blogs, des guides pratiques…
Le défaut qu’on peut leur attribuer (ou que je leur attribue), c’est d’avoir tendance, dans la littérature non-fictionnelle, à être moins claires, moins concises, moins stimulantes. Sans vouloir faire mon « macho » de service, c’est rare qu’après avoir lu un article ou bouquin écrit par une auteurE, je me sente hyper motivé, avec une irrésistible envie d’agir.
La plupart savent donner des conseils pratiques, sont assez agréables à lire, mais ça s’arrête là. C’est quelque chose qui pourrait être appris en développant sa partie « masculine. »
Aussi, je trouve qu’il y a souvent moins de profondeur chez les romancières. Zola, London, Hugo, Balzac, Coelho, Dostoïevsky, Orwell, et j’en passe ; un tas d’auteurs (hommes) m’ont marqué avec leur(s) roman(s). Bien que je trouve que beaucoup des femmes sont d’excellentes écrivaines, je trouve rarement une résonance qui impacte mon esprit – je ne garde pas grand chose du livre après l’avoir lu.
Peut-être est-ce mon goût trop « masculin » ? Peut-être sont-ce mes choix de lecture ? Peut-être que les femmes, étant naturellement plus douées, négligent de développer cette autre partie ? Elles auraient à y gagner, à développer leur partie « masculine », pour devenir plus accomplies. C’est mon point de vue.
« Homme et femme, chacun est complémentaire de l’autre. »
Gandhi